11- Bolivie 2: Sucre et Potosi

Nous voilà donc parti de Samaipata, nous sommes le 19 septembre. Il fait toujours nuit tôt, hiver oblige et il est rapidement temps de trouver un endroit pour dormir, mais pas simple, nous sommes dans un grand canyon, et il n’y a pas de chemin qui nous inspire…
Au final, nous décidons de tenter le coup chez l’habitant. Nous repérons au bord de la route, un petit resto en contrebas, avec un grand terrain/parking devant. Nous demandons aux gérants si nous pouvons stationner devant chez eux pour la nuit et c’est avec le sourire qu’ils nous accueillent.  On est au bord de la route, mais l’accueil magnifique nous fait rapidement oublier le bruit des camions, le froid et l’humidité. Le coin est superbe en surplomb de la petite rivière.




Les gérants de ce petit resto/bar qui n’est ouvert que le week-end sont deux soixantenaires qui ont longtemps vécu à Buenos Aires, et qui ont décidé il y a deux ans de quitter la ville et d’ouvrir ce petit resto. Ils vivent avec leur adorable petite fille de 10 ans, Ana, qui va très rapidement s’entendre avec les filles.


Nous sommes invités à partager un thé chaud et du pain pour le dîner. Au final, alors qu’une heure avant, on se demandait un peu inquiets où on allait pouvoir se poser pour dormir sereinement, on se retrouve une nouvelle fois à partager un petit bout de vie avec des personnes géniales qui ont le cœur sur la main. C’est le bonheur. Belle soirée à échanger du mieux qu’on peut (nous ne sommes toujours pas « fluent » en espagnol). Une superbe rencontre.
Après une bonne nuit de sommeil, réveil de bonne heure pour dire au revoir à Ana qui part pour l’école Nous prenons un rapide petit déjeuner tous ensemble et repartons tôt, le couple doit de toute façon aller faire le marché à quelques kilomètres.
On peut vraiment dire qu’après des débuts incertains, la Bolivie nous plaît de plus en plus. Avant de partir, Carlos nous indique que pour le moment la route est belle, mais qu’elle se transforme en piste difficile sur quelques dizaines de km, pour rejoindre Sucre… Nous verrons bien…
Eh bien, nous avons vu. Au détour d’un petit village, la belle route sinueuse se transforme effectivement en piste sinueuse, sur plus de 120 km… Au programme, tôle ondulée, nids de poule (mais de grosses poules…), animaux en tout genre, et poussière, beaucoup de poussière, très très fine… On rencontre pas mal de travailleurs sur la route ; ils sont en train d’enterrer un gazoduc… à la pelle et à la pioche, sur des dizaines de km… Respect, d’autant plus qu’il fait plus de 35°C ici. Nous croisons aussi pas mal de camions, qui montent et descendent tant bien que mal les cols, prennent les lacets les uns derrière les autres… Vers 11h00, nous sommes arrêtés avec les autres camions jusqu’à 13h00, les travaux du gazoduc obligent de creuser un passage au milieu de la piste… Qu’à-cela-ne-tienne, on sort le auvent et les tables et les enfants bossent en attendant. 


Piste difficile mais vraiment belle

Obligés de mettre les essuie-glaces!
Après plusieurs heures de ce traitement, nous finissons par rejoindre l’asphalte magnifique et toute neuve, ça fait beaucoup de bien de ne plus être secoué. Et là aussi, nous voyons de nombreux de travailleurs sur le bas-côté. Ils terminent les accotements en coulant le ciment qu’ils façonnent à la truelle… Et il y a quelques km à faire… Nous nous arrêtons pour la nuit au fond d’un chemin, tranquille. Gare aux épines de cactus tout de même ! Ça fait de belles échardes.

Petit bol d'air frais pour le moteur
Le lendemain, nous repartons pour quelques km de route magnifique, sans tôle ondulée, direction Sucre. 

Groupes de collégiens et lycéens qui fêtent l'arrivée du printemps. Sympa!

Arrivée sur Sucre
Arrivée vers midi, nous recherchons un camping repéré sur IOverlander, à 2 rues du centre historique. Il s’agit du jardin d’un particulier, totalement clos, et qui accueille les voyageurs de passage. Super accueil, le jardin est pour nous ! En prime, des douches chaudes, une petite cuisine rudimentaire mais pratique, un petit salon commun, et surtout, le wifi, toujours primordial pour le CNED...



Sucre est une ville perchée à 2900 mètres d’altitude (c’est à dire des collines par ici…). C’est assez vivant et touristique. Petite promenade dans le centre agréable bien qu’au milieu des bus qui ne sont pas « Euro5 ».  C’est sympa de pouvoir tout faire à pieds. 

Jus de fraises frais sur le marché
A l'ancienne



Les habitants l'appellent la Tour Eiffel



Casa de la Libertad
La journée qui suit est quasi à 100% pour le CNED… On s’installe tranquillement dans notre nouvelle « maison », et les enfants se mettent au travail, non sans mal, mais ça, c’est habituel.
Pendant que Keral s’occupe de superviser les cours, Ben part à la recherche de gouache et du plâtre pour le travail d’arts plastiques de Louise. Pas simple du tout. Il finit par acheter de la peinture à l’huile et un pot d’enduit, faute de mieux… Ces quelques kilomètres à pied lui permettent tout de même de découvrir les différents recoins de cette petite ville, et de tous ses marchés. C’est plus que vallonné... et haut, la respiration est difficile.

Atelier eau potable et pâte à sel pour les arts plastiques de Louise
Tu passes ton téléphone pour que ton pauvre chéri puisse travailler, et tu le retrouves blindé de selfies... ;-))) 


Pendant ce temps, un couple de français nous a rejoint au camping. Il s’agit d’Aurélie et Jérôme qui sont deux jeunes journalistes très sympas qui voyagent sac à dos pendant un an. Ils ont passé plusieurs mois en Asie avant d’arriver en Amérique du Sud. Ils voyagent tout en réalisant des reportages ou des portraits sur ce qui les interpelle. Allez faire un tour sur leur blog ! http://libres-en-quete.com. Ils sont bientôt rejoints par Ophélie et Edouard, un autre jeune couple qui fait un tour du monde en testant tous les sports possibles à chacune de leur étape. Leur blog s’appelle http://365joursdesport.com; à fond, trop drôles.
Un nouveau couple de néerlandais, Yvonna et Marco, arrive le lendemain. Eux sont en camion 4x4, et ils nous donnent pas mal de conseils. Ils parcourent l’Amérique du sud quelques mois tous les ans, un coin différent à chaque fois, et ils sont de très bon conseil, notamment en ce qui concerne le salar de Uyuni que nous allons bientôt découvrir. Yvonna nous donne même une super carte du Salar et du Sud Lipez qui devrait nous permettre de nous en sortir tout seuls dans ces espaces grandioses mais parfois hostiles. Pour la petite histoire, Marco est un ancien joueur de volley-ball. Il a fait les Jeux de Séoul en 88 ! Il fait plus de deux mètres, et n’a pas aimé du tout la visite des mines de Potosi, Ben comprendra son ressenti dans quelques jours…
On organise un chouette diner crêpes tous ensemble, c’est très sympa, et la bière n’est pas mal du tout…




Après 3 jours à Sucre, nous partons à une cinquantaine de kilomètres, voir le cratère de Maragua, un endroit que nous avaient recommandé plusieurs voyageurs. Ce n’est pas un volcan, mais une dépression géologique à priori créée par la tectonique des plaques. La piste, bien cassante, passe par un col à plus de 3800 m pour plonger ensuite sur une vallée magnifique. Pas de soucis avec la voiture, ça passe.
Nous prenons en stop un jeune homme de 15 ans qui se rend justement à Maragua, où il y fait ses études pour devenir policier. Il était à son entraînement hebdomadaire d’arts martiaux à Sucre ! Il est heureux qu’on se soit arrêté, car il y a peu de passage de voitures, et encore moins de bus dans ce coin. Quand on pense qu’on râle parfois pour faire les 2 km qui nous séparent du gymnase, respect.
Après 2-3 heures de route, nous arrivons dans le petit village de Maragua et nous partons nous balader. On part à la recherche de traces de pas de dinosaures !! Et oui, ils sont passés par là ! Mais pour une fois, MapsMe n’est pas très précis, et nous emmène un peu n’importe où. Ce n’est pas très grave.







On décide de trouver un coin pour la nuit dans ce cadre magnifique. On reprendra les recherches demain. C’est tellement calme, que l’on s’installe au bord de la piste pour la nuit. Tout ça face au coucher du soleil et à Sucre, que l’on aperçoit dans un trou de la montagne.
Une belle nuit tranquille, et nous repartons le lendemain à la recherche de ces fameuses traces de dinosaure. On a un peu plus d’infos sur l’emplacement. Nouvelle petite balade de deux heures, et nous arrivons sur ce plateau de granit de 100m2 où effectivement, nous découvrons une dizaine d’empreintes fossilisées, dont certaines font un bon 50-52. Juste le temps de prendre une photo et une vieille dame vient nous réclamer un droit de visite assez conséquent… On comprend, mais c’est fatigant à la longue.



Détail de ces formations étonnantes





Fabrication des briques en pisé à Maragua
Sur le chemin du retour, nous tombons sur une dame et sa fille de 12 ans, qui elles aussi font du stop, et se rendent à Sucre. On va être très serrés, mais tant pis, la ville est tellement loin ! Pas évident de vivre par ici, c’est tellement reculé. Et on s’en rend compte au nombre de personnes qui font du stop sur le chemin, et qui sont un peu désespérées. On apprend qu’un bus passe le matin, et un autre le soir, mais pas tous les jours.



On dépose nos passagers à Sucre après plusieurs heures de route, et on reprend notre chemin en direction de Potosí, la ville la plus haute du monde (selon le guide), qui culmine à plus de 4000 mètres d’altitude. Potosí est connu pour ses impressionnantes mines d’argent, qui dominent la ville. Leur exploitation en a fait une des plaques tournantes de l’Amérique du sud, voire du monde, et aurait fortement contribuer à la richesse de l’Espagne à partir du XVIe siècle.
Sur la route, première petite alerte avec la voiture dont le signal d’encrassage du filtre à particules s’allume. Mais quelques dizaines de km plus tard, il disparaît. Rien de grave pour le moment, mais le diesel bolivien, avec une grosse teneur en soufre, n’est pas très apprécié par nos moteurs européens, et l’altitude n’aide pas…

Petit bivouac en contre-bas de la route
A la douche!
Arrivée sur Potosí
A Potosí, nous nous installons dans un petit parking du centre-ville, où nous rencontrons un couple en camping-car français, Michel et Jeanne. Ils sont surpris de nous voir arriver, car a priori, la ville est en grève, et tous les accès sont bloqués… On se disait aussi que c’était agréable une ville aussi calme, sans voiture… Nous échangeons sur la ville, nos voyages, nos familles… Les enfants adorent passer du temps avec eux, ils sont tellement chaleureux. On aura même droit à du pain grillé pour le ptit-déj ! Le pied total ! Ils repartent le lendemain vers Sucre, échange de bon plan.


On rejoint le centre-ville pour trouver une connexion (et visiter accessoirement …), il y pas mal de café, nous devrions trouver notre bonheur. Keral s’installe pour photographier les séances du CNED pour Thomas, Ben et les enfants partent se renseigner sur les possibilités d’approcher un peu les mines le lendemain, mais mission pas simple un jour de grève.

Rue devenue piétonne pour la journée, Cerro Rico dans le fond
Au final, après une grosse glace 3 boules pour chacun on trouve une petite agence qui nous propose une visite des mines de 4 heures, et qui nous dit que ça ne pose pas de problème pour les enfants, que c’est safe, et tranquille. RDV à 8h00 demain matin, il va falloir mettre le réveil, ça fait longtemps….
Le soir, petite pizza super chère, mais qui fait du bien à tout le monde, avant d’aller se coucher… Il fait frais la nuit à 4000 mètres et allongés le souffle est même un peu court…Nous n’aurons heureusement aucun autre signe de mauvaise tolérance à l’altitude. Une chance car nous n’avons pas vraiment respecté les paliers que nous nous étions promis de faire à la montée…


8h00, nous sommes à l’agence, frais et dispo. Nous allons faire la visite avec un couple de portugais, en vacances en Bolivie pour quelques semaines. Notre guide parle français, c’est cool pour les enfants.
En chemin, on s’arrête à la boutique des mineurs, où on nous présente du matériel utilisé par les mineurs, à savoir les bâtons de dynamite, l’alcool pur à… 90° et les fameuses feuilles de coca. Nous achetons quelques paquets de coca bouteilles de soda à offrir aux mineurs. Puis nous passons par les « vestiaires » pour passer des vêtements appropriés à la mine…


Puis nous partons pour l’entrée d’une des mines, à 4300 mètres d’altitude. Là le ton est donné…
Nous arrivons par le pont de chargement des camions, faits de rondins de bois, les camions en dessous, et chargement par un goulot rudimentaire. Au-dessus, les rails rouillés des wagonnets… Chaque « équipe » a son propre quai de chargement, et les mineurs descendent dans ces goulots pour pousser les pierres dans les remorques.






On entre dans la mine, on a les pieds dans l’eau (et dans des bottes heureusement) et c’est très étroit. On nous dit que les mineurs sont petits surtout souvent baissées pour tirer/pousser les wagons de minerais. Ben apprécie le casque. Plus on s’enfonce dans les galeries ainsi courbés, plus c’est oppressant.  
Notre guide nous explique très bien le fonctionnement de la mine, avec ses 17 000 mineurs, dont quelques femmes. C’est un système de coopérative ; chaque « chef » est propriétaire d’une galerie, et a son équipe, plus ou moins importante en fonction de la « richesse » du boyau. Il a son second, ses aides, … tout semble très hiérarchisé. On devient chef seulement si les autres chefs de la mine donnent leur assentiment, après plusieurs années passées à travailler dans la mine et à faire preuve de ses connaissances pour conduire une équipe efficacement et en sécurité. Les mineurs gagnent en moyenne 100 bolivianos par jour (un peu moins de 15€), mais peuvent gagner plus si le filon s’avère productif. Ils passent entre 8 et 10 heures par jour à plusieurs centaines de mètres sous terre, dans le noir, la chaleur, la poussière, avec une odeur de soufre omniprésente à mobiliser des tonnes de minerais… On a la chance de pouvoir échanger un peu avec certains des mineurs. On leur donne les paquets de feuille de coca, et surtout les bouteilles de soda, très appréciée. Les feuilles de coca, qui sont mâchées et placées en boule dans le creux de la joue, les aident à fournir des efforts prolongés difficiles sous terre et en altitude et également, selon notre guide, à filtrer la poussière (on ne comprend pas bien comment, mais bon…) ; en tous cas, ils en consomment beaucoup.





Nous rencontrons, au détour d’une galerie, une statue d’El Tio, « l’oncle » en espagnol, le dieu de la mine. Il y en a un dans chaque galerie. C’est un dieu ambivalent capable d’apporter la fortune ou la mort selon son bon vouloir. Il a tous les traits du Diable mais il ne faut surtout pas utiliser ce terme. Pour s'attirer ses faveurs et se protéger du mauvais sort, les mineurs lui apportent régulièrement des offrandes. Notre guide procède à la cérémonie très sérieusement : elle allume une cigarette qu’elle met à la bouche de la statue d’argile et attend quelques instants. Si de la fumée ressort de la bouche d’El Tio, c’est bon signe pour la journée, sinon, bah, … ils y vont quand même. Elle répand des feuilles de coca et arrose la statue et surtout son immense kiki d’alcool pur pour demander une récolte prolifique, et la sécurité… Elle en met aussi un peu sur le sol pour la déesse de la terre, la « Pachamama » et en boit. On serait tentés de sourire mais c’est fait avec tant de sérieux, respect et concentration qu’on suit tout ça, médusés.


Un bruit sourd interrompt la fin de la cérémonie. Une explosion… Ok, on est juste à 200 m sous terre, tout va bien. Notre guide nous dit qu’il n’y a pas de soucis de ce côté de la mine. Si elle le dit…
On passe un peu de temps avec un autre groupe de mineur qui décharge dans les chariots les sacs de roches remontées des profondeurs. Ben les aide un peu à pousser un wagon dans un virage compliqué et en pente. Les rails sont encombrés de pierres et leur écartement n’est pas toujours identique donc souvent les wagons qui pèsent littéralement 1 tonne, 1000 kg, déraillent dans les galeries étroites. De plus, il faut se croiser, donc porter le wagonnets vide pour que le plein puisse passer… Bref, une vraie leçon de vie, ça fait beaucoup réfléchir, et les enfants (nous aussi) sont très impressionnés… Quand nous revoyons la lumière du jour, nous sommes tous un peu sonnés, pensifs.
On déjeune en ville dans une petite cantine sympa pour débriefer un peu tout ça.  



Retour au parking, après un petit passage par le marché central. Demain matin, nous visitons le musée de la monnaie, une banque de France en mieux, beaucoup plus ancienne. Là aussi, c’est très impressionnant et très intéressant. On a le droit à une visite en français. On nous explique comment était frappées les premières pièces de monnaie (au marteau et au poinçon et surtout grâce à de nombreux esclaves), puis l’évolution avec l’utilisation des chevaux (et toujours des esclaves), puis des machines à vapeur. Les pièces ou lingots partaient ensuite enrichir l’Europe. On apprend aussi que c’est le sigle utilisé pour les pièces frappées à Potosi qui est à l’origine du fameux sigle « $ » ; et oui, on se balade, mais on apprend plein de trucs aussi ; pour finir, les enfants ont le droit à leur pièce frappée par papa… Un joli souvenir. Certes, celle-ci est en aluminium, et pas en argent quasi pur comme les premières pièces de monnaie, mais bon !


On repart déjeuner au « Kactus », car on aime bien cette ambiance « comme à la maison » (un plat unique, voire deux si on a de la chance, servi après la soupe), pour quelques dizaines de bolivianos. Bref, très bonne adresse, et on a le droit à des pâtes bolognaises cette fois !
Au final, cette visite de Potosí s’est avérée très instructive, et on se sent bien dans cette ville pleine d’histoire. Et grosse leçon de vie après la visite des mines, et la rencontre des mineurs qui ont une vie très dure, mais qui ne se plaignent pas…

Cet après-midi, on reprend la route pour Uyuni et son fameux Salar… Cool.

1 commentaire:

  1. Bonjour
    Je suis madame Erard , la maitresse CNED de Louise. Bravo pour ce blog! Je propose que Louise insère ses exposés sur le blog, cela peut intéresser du monde et voir combien elle travaille bien malgré l'itinérance. Bon voyage.

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